Wednesday, April 24, 2013

En vacances ?

Bonjour à tous,

Le dernier exercice du blog n'a recueilli qu'une seule réponse (Katarina)...

Dois-je continuer à me creuser la tête pour vous trouver des exercices originaux en lien avec des films "classiques"?

Je vous demande de prendre un petit moment pour me donner les raisons de vos "désertions" (c'est trop dur (conjugaison inconnue, syntaxe trop difficile, vocabulaire trop riche...); c'est trop long; ce n'est pas intéressant; vous êtes démotivé par l'arrivée du printemps...).

En attendant vos réponses,
Philippe

Tuesday, April 16, 2013

le petit père Mozart


Bonjour,
Un petit travail autour de
Blier_Bertrand, 1978 – Préparez vos mouchoirs

Scène : « le p’tit père Mozart » ; Raoul (Depardieu), Stéphane (Dewaere), Solange (Laure), Le voisin (Serrault), Gervase deBrumer (Gervas de Preyer), Mozart, concerto K622.


ACTIVITE :

L’ensemble de la scène mérite d’être regardée, pour saisir le décalage qu’il y a entre les manières (linguistiques et gestuelles) des deux personnages et le sujet dont ils parlent (parler de => dont). En effet, la musique classique restait dans les années 70 (et encore aujourd’hui parfois) une musique élitiste, réservée à une frange sociale dominante.

Nous allons nous intéresser au passage de 1’30 à 2’15. Essayez de voir comment l’emploi du conditionnel passé permet à « Raoul » d’exprimer le regret et comment le passé composé permet à « Stéphane » de se présenter comme l’ami de Mozart (son pote, au nom duquel il peut répondre et de qui il peut parler).

Choisissez un personnage historique connu (musicien, politicien, dictateur, sportif…) et écrivez quelques lignes sur votre regret de ne pas l’avoir connu. Qu’auriez-vous fait avec lui (ou elle) ?

 (mais avant, lisez et regardez la scène)...

TRANSCRIPTION :

Raoul : [la bouche pleine] Putain, le mec à la clarinette c’est pas un manchot, hein ! (=il est très doué)

Stéphane : Cherche pas c’est le meilleur : Gervase de Brumer. [à Solange] ça te plait ? Hein ?

Solange : oui, j’aime bien

Stéphane : Ecoute la reprise de la clarinette là… non mais t’as vu ? T’as vu comment il tripote son instrument le père Gervase ? (tripoter (=toucher) est ici familier, de même que « le père » (=aboli la distance, comme si c’était son voisin), donc décalé pour un sujet d’élite comme la musique classique)

Raoul : Alors là, chapeau. (= bravo)

 

[40’’]

Raoul : C’est vraiment la musique d’un type qui a jamais été heureux en amour. Ça c’est sûr.

Stéphane : Tu parles, le pauvre mec il est mort à trente-cinq ans ! Trente-cinq ans ! Mais tu te rends compte de la perte ? Quelle époque de con ! On claquait pour un rien ! (=on mourrait)

Raoul : Forcément, ils passaient leur temps à te saigner. Un rhume ? Allez hop ! Ils te pompaient deux litres.

Stéphane : Remarque, aujourd’hui c’est les accidents de la route alors ça vaut guère mieux.

Raoul : Mais parce que les gens conduisent comme des cons !

Solange : c’était quoi sa maladie à Mozart ?

Stéphane : On sait pas exactement. Probablement qu’avec un bon antibiotique il aurait écrit quarante symphonies de plus, et… Beethoven, il aurait pu s’aligner. (=se mettre à la queue, attendre son tour, donc être derrière)

 

[1’30]- [Solange tricote en arrière-plan]-utilisation du conditionnel passé, pour exprimer un regrêt, celui de n’avoir pas pu être ami avec Mozart… Notez aussi l’utilisation du passé composé par Stéphane, qui, lui, a connu Mozart !

Raoul : Voilà un type, Mozart, j’aurais bien aimé le connaitre.

Stéphane : Putain ! Et moi, quand je pense à toutes les fois où il m’a sauvé de la déprime. C’est pas compliqué, avant de te rencontrer c’était mon seul pote. (=copain)

Raoul : L’inviter à becqueter (=à manger ; on reconnait « bec »), tiens. Ça, ça aurait été chouette. L’emmener à la campagne. Il aimait ça, la campagne ?

Stéphane : Mais bien sûr ! Il aimait tout ! Il était pas chiant.

Raoul : On lui aurait filé la môme, on lui aurait dit : « tiens, Wolfgang, elle est à toi. Solange elle s’appelle. Cadeau d’admirateur ! »

Stéphane : Il en aurait fait une sonate…

 

[2’15]

Raoul : Dis-donc

Stéphane : Ouais

Raoul : Ecoute ça voir. Imagine qu’il soit réincarné.

Stéphane : Qui ça ?

Raoul : [se lève, visionnaire] Ton pote. Mozart. Tu vois le coup ? Réincarné, bonhomme. Tu me suis ? Il est là en bas, dans la rue, il marche, un peu étourdis, avec ses vêtements fripés, il sait pas où il est. Y’a personne dehors, tout le monde roupille. Tout à coup qu’est-ce qu’il entend ? Notre musique. Sa musique. Son concerto qui vient de quelque part. Ça lui scie les pattes au mec Mozart ! Il en croit pas ses oreilles. Alors il se laisse guider par le son, les larmes aux yeux. Il s’approche de notre maison, il se dit : « une vieille maison, ça doit venir de là », il pousse la porte, il entre, il hésite. Maintenant il entend mieux sa musique. Ça résonne dans le hall, ça l’attire, irrésistiblement. Il se dirige vers l’escalier. Il se dit « c’est pas possible qu’il y ait tout un orchestre dans cette baraque, ou alors c’est que vraiment je suis devenu très populaire ». Il s’engage dans l’escalier, il monte tout doucement, marche par marche, avec ses escarpins et ses bas blancs. A chaque marche, son concerto est plus présent. Premier étage, deuxième étage, il arrive sur le palier. Il s’arrête. Il bouge plus. Il reste là, tremblant, juste derrière notre porte. Il écoute. En retenant sa respiration. Jamais il a entendu son concerto si bien joué. Gervase De Brumer, un clarinettiste comme jamais il avait osé en espérer un…

 

[coups à la porte] – 4’30

Le voisin : Je tiens à vous signaler qu’il est trois heures du matin et que je me lève à cinq heures pour aller aux halles ! Alors vous allez arrêter votre zinzin (=musique), sinon je vais chercher les flics ! (=la police)

Raoul : Toi tu vas taire ta gueule et écouter Mozart avec nous ! Concerto pour clarinette.

Le voisin : Oui mais moi j’en ai rien à branler (=j’en ai rien à faire) de la musique ! Moi ce que j’aime c’est le silence !

Raoul : Gervase De Brumer ! Meilleur clarinettiste du monde ! Alors assieds-toi, ferme ta gueule et ouvre tes oreilles.

Le voisin : Mais enfin puisque je vous dis, que ce que je veux moi c’est dormir, c’est tout simplement dormir ! Je suis fatigué ! Je suis un petit commerçant fatigué, bouffé par les grandes surfaces, poursuivi par les huissiers, j’ai, j’ai le fisc au cul. J’ai l’Urssaf au cul (=sécurité sociale), j’ai… la caisse de retraite au cul, j’ai la France entière au cul. Et je peux même pas dormir à cause de votre musique, alors j’en ai rien à foutre de votre Mozart, moi je le connais pas ce mec-là ! Je l’emmerde ! Ou alors qu’il me prête du pognon (=de l’argent) pour payer mes traites. (=sommes mensuelles dues)

Stéphane : Laisse Mozart tranquille, parce que c’est mon pote. Hein ? Lui aussi il en avait des dettes. Sur la fin de sa vie il avait même pas de bois pour se chauffer le cul, et il composait quand même, alors.

Raoul : Il vendait pas des légumes, lui !

Le voisin : Ben et alors qu’est-ce que vous avez contre les légumes ? C’est un crime de vendre des légumes ? Vous en mangez pas des légumes ?

Raoul : On préfère la viande !

Stéphane : Tu vas boire un coup ?

Le voisin : Non merci.

Raoul : Comment ça non merci. Tu vas peut-être essayer de nous faire croire que t’es pas picoleur (=buveur) ? Y’a qu’à voir ta tronche (=figure)! Une vraie réclame pour Casanis (=alcool à l’anis, arak)!

[arrivée du premier pastis]-6’00

Le voisin : Ça m’est strictement interdit par mon médecin.

Raoul : Les médecins c’est des cons. Moins tu les écoutes, mieux tu te portes.

Stéphane : Allez, lève-le ton vieux coude

Raoul : Bois, ou je me considère comme offensé

[il boit son pastis]-6’45

Raoul : A la bonne heure…

Stéphane : Merci Mozart…

Le voisin : Comment ?

Stéphane : « Merci Mozart », on dit.

Le voisin : Merci, Mozart.

Raoul : T’es aussi bien là que dans ton plumard, non ?

Stéphane : Tu veux encore un coup de pastis ?

Le voisin : Non, non, non, non, non…

Raoul : Mais on t’accompagnera aux halles, on te portera tes légumes.

[le second pastis arrive]-7’07

Stéphane : Ferme tes yeux, bois, et écoute Mozart ;

Le voisin : J’ai sommeil, je vous assure que j’ai sommeil.

Raoul : Mais y’a un lit là, installe-toi, t’as qu’à dormir là ! On te laisse plus partir, maintenant on peut plus se passer de toi, t’avais qu’à pas monter.

Le voisin : Mademoiselle…

Solange : Monsieur.

Raoul : Si t’arrive à la faire rigoler, on te la laisse, elle est à toi. Ça fait des semaines qu’on essaye de lui arracher un sourire. Rien à faire. C’est à se flinguer. On te demande ça comme un service, fais-la rire.

Le voisin : Je serai ravi de vous dépanner, mais je… vois vraiment pas ce que je…

Stéphane : Mais trouve un truc, non de Dieu ! Démerde-toi !

[Fin, 7’42]

 

L’aspect humoristique de la scène est créé par la contradiction culturelle entre les manières populaires (mais poétiques et vécues) des deux personnages et le ton habituellement ampoulé, recherché, contrit, qui est attaché à la musique classique.

Lexique : c’est pas un manchot ; tripoter son instrument ; le père Gervase, le père Mozart ; chapeau ; le pauvre mec ; Beethoven aurait pu s’aligner ; mon seul pote ;

 

Personnalisation de Mozart :

Le petit père, mon seul pote, le pauvre mec, il était pas chiant, tutoiement,

 

Poncifs donnés latéralement sur la société :

Les accidents de la route :

Stéphane : Remarque, aujourd’hui c’est les accidents de la route alors ça vaut guère mieux.

Raoul : Mais parce que les gens conduisent comme des cons !

 

Situation difficile (à leurs yeux) des petits commerçants :

Tournure : « avoir + GN + au cul » = être poursuivi par…

« Je suis un petit commerçant fatigué, bouffé par les grandes surfaces, poursuivi par les huissiers, j’ai, j’ai le fisc au cul. J’ai l’Urssaf au cul (=sécurité sociale), j’ai… la caisse de retraite au cul, j’ai la France entière au cul. Et je peux même pas dormir à cause de votre musique, alors j’en ai rien à foutre de votre Mozart, moi je le connais pas ce mec-là ! Je l’emmerde ! Ou alors qu’il me prête du pognon (=de l’argent) pour payer mes traites. (=sommes mensuelles dues) »

 

La médecine :

Les médecins c’est des cons. Moins tu les écoutes, mieux tu te portes.

Et auparavant, la critique des « saignées » à l’époque de Mozart (fin 18e).