Tuesday, May 21, 2013

Des conditions... mais pas toujours du conditionnel


Bonjour,
Je vous propose un travail autour du conditionnel. Vous verrez dans la scène choisie, que l'expression de possibilités permet une forte tension entre les deux personnages, tout en restant dans le cadre de normes de politesses... Intéressant, donc!
Les valseuses, Bertrand Blier 1974, scène de la galerie marchande avec Gérard Depardieu et Marco Perrin (3’05):

[La galerie marchande d’un centre commercial (Mammouth) dans les années soixante-dix. Un vigile prévient un voyou qu’il connait].

-          Vigile : Dis-donc petit, tu es sûr que c’est bien ici que tu viens ?

-          Voyou : Tiens… [il montre des billets]

-          Vi : Ah, autant pour moi. (« autant pour moi » = toutes mes excuses)

-          Vo : Elles sont belles tes oreilles là…

-          Vi : Ah oui ?

-          Vo : Elles sont vachement bien dégagées (« vachement » = vraiment)

-          Vi : Méfies-toi aux* tiennes des fois que je les frictionne un peu [on dit plutôt « se méfier de »]

-          Vo : Tu vas au* coiffeur tous les samedis toi hein [on dit « aller chez le coiffeur »]

-          Vi : Ah non, non non, ça… le samedi je travaille (présent à valeur générale, donc répétitive).

-          Vo : Ah ouais

-          Vi : C’est le jour où il y a le plus de fauche. Et les voyous dans ton genre j’en fais coffrer à la douzaine (de la fauche = du vol ; faire coffrer = faire mettre en prison ; à la douzaine = par douze)

-          Vo : Ah ça c’est bien ça, c’est bien. Parce que si tout le monde faisait son métier comme toi, il y aurait un peu moins de gaspillage.

-          Vi : Ah

-          Vo : Il parait que tu es un as toi au quatre vingt et un (être un as = être un champion ; 421 = jeu de dés)

-          Vi : Ah oui ? Qui c’est qui te l’a dit ça ?

-          Vo : Oh je te connais par cœur hein… [1’38] des types comme toi j’en ai plein les pattes là. En ce moment tu peux pas savoir… je les accroche, je sais pas, c’est pas croyable.

-          Vi : C’est une correction que tu es venu chercher ici ? (« correction » = leçon… de boxe !)

-          Vo : Non non non, juste un froc. Du genre américain tu sais. Pour mon frangin, c’est son cadeau d’anniversaire. (un froc = un pantalon ; frangin = frère)

-          Vi : Ah oui. Tu vois c’est… au bout à droite là-bas. Tu vois ? Après les télévisions. Je te fouillerai à la sortie. (« une fouille corporelle » = a body search ; vocabulaire policier)

-          Vo : Mm [rire] Tiens, regarde [il montre des billets]

-          Vi : [sifflet] mais dis-donc, tu viens de toucher ta première paye ?

-          Vo : Non non sûrement pas tu vois. [il respire les billets, rigole]. J’ai rencontré une femme du monde.

-          Vi : Ah oui ?

-          Vo : Oui oui, elle m’a dans la peau tu vois. Elle me donne tout ce que je veux.

-          Vi : Ah bon

-          Vo : Ursulla, elle s’appelle.

-          Vi : Félicitations.

-          Vo : Il sert à rien ton badge là. On te repère à deux cents mètres tellement tu pues la brillantine

-          Vi : Dis donc tu as du pot tu sais, parce que… je suis de bonne humeur aujourd’hui

-          Vo : Oh moi aussi, la vie est belle hein, j’ai envie de te toucher tellement tu me fascines.

-          Vi : Méfies-toi à ton nez parce que si des fois je le touchais un peu comme ça…

-          Vo : Et dis donc

-          Vi : Oui ?

-          Vo : Tu les pelotes les vendeuses ? (peloter = caresser, toucher)

-          Vi : Attention ! A trois je te fous dehors avec mon pied dans le cul t’as compris ? Petit con, va ! (= Quand j’aurai compté jusqu’à trois, je te mettrai dehors à coups de pied)

-          Vo : On n’est vraiment pas de la même famille tous les deux hein ?

-          Vi : Non, certainement pas.

-------[Passage à l’imparfait : quelque chose vient de se briser qui rend leur relation impossible…]------

-          Vo : Non mais tu vois pourtant, j’avais un petit peu d’affection pour toi.

-          Vi : Oui,  moi aussi. Oui, moi aussi tu vois depuis un petit moment, là, j’avais envie d’être… plus près de toi.

-          Vo : Mm. Ben tu vois, c’est dommage que je suis* pressé, sans quoi, je t’aurais bien invité au restaurant.

-          Vi : Mm

[Ellipse : on revoit le voyou sortir du magasin, un chariot rempli].

-          Eh dis-donc, espèce de salaud, va ! Fumier !

 

Confrontation de deux mondes : celui des pères aux cheveux courts et des marginaux improductifs…

Le monde traditionnel
Le monde du voyou
Costume cravate, brillantine
Cheveux courts, dégagés sur les oreilles
Argent gagné patiemment (tous les samedis)
Réserve
Violence légitime (c’est une correction que tu es venu chercher ici) / (je te fouillerai à la sortie) / (mon pied dans le cul).
 
Blouson en cuir, froc américain (jean’s)
Cheveux longs, pas coiffés
Argent facile donné par « une femme du monde »
Ostentation
Opposition de deux prototypes : (je te connais par cœur ; des types comme toi)

 

La scène est filmée en plan rapproché (épaules / visages) et l’espace est utilisé comme un ring de boxe. Les duellistes se tournent autour en un round d’observation qui les conduit à jouer avec l’acceptable (normes de politesse) à travers des procédés d’ironie, de caricature.

 

Il est intéressant de relever l’utilisation des temps et modes verbaux, notamment le jeu avec le conditionnel.

 

 « Méfies-toi des tiennes des fois que (=si jamais, au cas où) je les frictionne un peu »

Ici, la proposition au conditionnel est sous-entendue :

Fait attention (impératif présent, conseil) à tes oreilles, parce que si je les frictionnais (indicatif imparfait), tu aurais mal (conditionnel présent). Il s’agit donc bien d’un conseil, sur la base d’une virtualité.

 

On retrouve la même forme un peu plus loin :

« Méfies-toi à ton nez parce que… si des fois je le touchais un peu comme ça… » :

« Méfie-toi (impératif présent) à ton nez parce que… si je le touchais (indicatif imparfait), comme ça, tu aurais mal (conditionnel présent) »

 

« Non mais tu vois pourtant, j’avais un petit peu d’affection pour toi »

« Oui, moi aussi tu vois depuis un petit moment, là, j’avais envie d’être… plus près de toi. »

Ici l’imparfait montre qu’une distance c’est introduite entre eux (on voit le moment du passé comme révolu).

 

« Ah ça c’est bien ça, c’est bien. Parce que si tout le monde faisait son métier comme toi, il y aurait un peu moins de gaspillage »

Ici la forme est « standard » (si + imparfait, conditionnel) mais le contexte précédent permet de comprendre qu’il s’agit d’une antiphrase : le voyou pense le contraire de ce qu’il dit.

 

« Il parait que tu es un as toi au quatre vingt et un » :

(=on m’a dit que tu étais un as au 421) ou (=Ne serais-tu pas un as au 421 ?) on est bien dans le mode de l’hypothèse, du virtuel.

 

« C’est dommage que je suis* (« sois », subjonctif) pressé, sans quoi (=sinon, « sans cette condition-ci »), je t’aurais bien (adverbe = volontiers, de bon cœur) invité au restaurant »

= si je n’étais pas pressé (indicatif imparfait), je t’inviterais volontiers au restaurant (conditionnel présent)

= si je n’avais pas été pressé (indicatif plus que parfait), je t’aurais invité volontiers au restaurant (conditionnel passé)

 

ACTIVITE :

Imaginez une confrontation entre vous et un ouvreur (personne qui garde l’entrée des night-clubs, des boites). Il ne veut pas vous laisser entrer, donc vous le taquinez comme dans le film :

(Utilisez les formes suivantes)

« si j’avais pas eu... je t’aurais… mais il se trouve que je suis… »

« C’est dommage que je sois … parce que sinon on aurait pu… »

 

Exemple :

Attendez sur le bord, monsieur.

-          Mais pourquoi moi ?

-          C’est comme ça

-          Et eux pourquoi ils passent ? Parce qu’ils sont bien habillés ?

-          Monsieur je vous demande de vous calmer

-          Si j’avais eu une veste à la mode je l’aurais mise, mais la mode ne me plait pas en ce moment !

-          Alors tant pis pour vous.

-          Si j’avais eu des amis je les aurais amenés avec moi, mais je suis horriblement seul !

-          Alors allez vous coucher.

-          Dommage, j’aurais pu dépenser chez vous mon dernier salaire. Oui, je viens d’être mis à la porte. Un peu comme vous, quoi…

 

NOTE :

L’activité « réussir à entrer en boite » est un sport parisien. En effet, à Paris, il n’est pas rare de se faire refuser l’entrée, sans raison apparente : on imagine alors être mal habillé, avoir (déjà) trop bu, ne pas avoir le bon code… ou ne pas avoir le bon « faciès » (c'est-à-dire que le videur est raciste).

A ce sujet, je vous conseille d’écouter la chanson de Zebda « je crois que ça va pas être possible » qui parle exactement de ça (le 2nd couplet parle de la recherche d’un appartement).


 

PAROLES du 1er couplet :

Voici... ce que je vous propose comme entrée (allusion à l’entrée d’un repas)
Je fais des fixations devant les portes d'entrée
Pas n'importe lesquelles, surtout les bien gardées
Avec 100 kilos de muscles à la clef (Les videurs sont souvent imposants)

Devant trop de barbaque (= viande), c'est vrai je fais des rejets (le rejet gastrique (=renvoi) devient psychologique)
Et je peux dire que je maîtrise le sujet
Les portes je connais, j'en ouvre tous les jours
Mais j'en ai vu claquer plus souvent qu'à mon tour (plus souvent pour moi que pour les autres)

Je vous fais un topo sur l'accueil
A l'entrée des boites

« veuillez entrer monsieur, votre présence nous flatte »
Non je plaisante, car ça se passe pas ainsi
Devant les boites, moi je suis toujours à la merci
D'un imbécile à qui je sers de cible et qui me dit :

« Je crois que ça va pas être possible »
Pas être possible, pas être possible
Bon travail, à jeudi,
Philippe

8 comments:

  1. Salut. Voici mon essai d'usage de conditionnel.

    -Desolé monsieur, je ne vous pas laisser dedans.
    -Mais pourquoi pas, vous n'avez pas arreté le type avant moi.
    C'est à cause de mes vetements? Mais si je portais ma chemise blanche, elle était probablement détruite avec le vin. Je suis horriblement maladroit.
    -Monsieur, vous bloquez le passage, bougez-vous.
    -Mais je dois absolument entrer.
    -Monsieur, si vous vous obstinez, je vais être obligé d'employer la force.
    -Ben, je vais. Si vous m'aviez laissé, vous obtiendriez un pourboire copieux et ce endroite une réputation moins atroce.

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    1. Correction: Si je portais ma chemise blanche, elle
      *serait probablement détruite avec le vin.

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    2. Corrigé dans l’ordre du texte :
      Attention aux accents… (mais je ne sais pas si tu as un clavier français !)
      « entrer dedans » est répétitif (=pléonasme). « entrer » suffit.
      « bougez-vous » veut plutôt dire « faites du sport » on dirait : « bougez » (vulgaire) ; « bouge(z) de là » ou « poussez-vous » ; et en plus poli « déplacez-vous svp »
      Très bien pour la phrase « si vous vous obstinez, je vais être obligé d’employer la force » : l’articulation présent/futur proche marque le côté certain du déroulement !
      « je m’en vais » au lieu de « je vais » et « cet endroit » (masculin commençant par une voyelle).
      La dernière réplique est mal ajustée :
      Si vous m’aviez laissé (plus que parfait), vous auriez obtenu (conditionnel passé) un pourboire copieux et cet endroit aurait eu (conditionnel passé) une réputation moins atroce »
      Si + imparfait , conditionnel présent
      Ou
      Si + plus que parfait , conditionnel passé
      Bon travail !

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  2. Salut!

    Ouvreur: Attendez, vous ne pouvez pas passer.
    Moi: Mais pourquoi?
    O: Parce que, moi, je vous dit de ne pas entrer.
    M: Mais mes amies, elles ont justament entrées! Si j'avais une robe plus courte, je passerais, n'est-ce pas? Quelle horreur!
    O: Désolé, mademoiselle. Si'il vous plaît, allez de coté, les gens attendent d'entrer.
    M: Et ils peuvent passer? Et, moi, pourquoi je ne pourrais pas passer?
    O: Cette conversation est finie. Au revoir!
    M: Mais toutes mes amies sont ici! Je ne peux pas rester seule! Je n'ai pas de portable pour les téléphoner!
    O: Votre problème, pas le mien.
    M: Qu'est-ce que je vais faire maintenant? Si je vais aller chez moi toute seule, quelqu'un pourrait m'attaquer, me tuer!
    Mes amies sortent de boite. : Allons-y l'atmosphère est nul dans cette boite!
    M: Quelle heureux! Si je restais toute seule, certainement les criminels vendraient tous mes organs.

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    1. Texte avec les corrections en gras

      Ouvreur: Attendez, vous ne pouvez pas passer.
      Moi: Mais pourquoi?
      O: Parce que, moi, je vous dis de ne pas entrer.
      M: Mais mes amies, elles sont justement entrées! Si j'avais une robe plus courte, je passerais, n'est-ce pas? Quelle horreur!
      O: Désolé, mademoiselle. S'il vous plaît, allez de côté, les gens attendent d'entrer.
      M: Et ils peuvent passer? Et, moi, pourquoi je ne pourrais pas passer?
      O: Cette conversation est finie. Au revoir!
      M: Mais toutes mes amies sont ici! Je ne peux pas rester seule! Je n'ai pas de portable pour leur téléphoner!
      O: C’est votre problème, pas le mien.
      M: Qu'est-ce que je vais faire maintenant? Si j’allais chez moi toute seule, quelqu'un pourrait m'attaquer, me tuer!
      Mes amies sortent de boite. : Allons-y l'atmosphère est nulle dans cette boite!
      M: Quelle heureux! Si je restais toute seule, certainement des criminels vendraient tous mes organes.

      Commentaires :
      « justement » est bien placé (entre l’auxiliaire et le participe), mais à l’oral on le mettra plutôt en apposition : « mais justement ! mes amies sont entrées » ou « mais mes amies, elles, sont entrées. Justement ! »
      « allez de côté » = « mettez-vous sur le bord » ou « allez sur le côté »
      « si je vais aller » ne s’emploie jamais : pas de futur (même proche) après « si ».
      « quelle heureux » n’existe pas : « quelle joie, quel bonheur » (quelle félicité sonnerait désuet) ou « que je suis heureuse » !
      « les » criminels suppose qu’on en a déjà parlé avant… sinon indéfini « des ».
      Je propose pour la dernière réplique, puisqu’il s’agit d’un regard rétrospectif :
      « si j’étais restée toute seule, des criminels auraient sans doute vendu tous mes organes. Et… à l’heure qu’il est, je n’aurais plus de reins. »

      Conclusion :
      Très bon travail, bonne utilisation du conditionnel.
      Ton niveau te permet de choisir entre un style oral et un style écrit, qu’il te faut tenir tout le long du texte.

      Essaie de corriger la faute du pronom complément (« leur téléphoner » parce que « téléphoner à qqn »), c’est une faute que beaucoup d’étrangers font !

      A lundi, Philippe

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  3. Salut !

    - Excuse moi, je voudrais entrer !
    - Desolee. Pas possible.
    - Mais mon amie passait.
    - Oui !
    - E je ne peux pas passer.
    - Oui !
    - Mais ca n'est pas juste.
    - Et ???
    - Si j'étais lui, je passerais.
    - Possible.
    - Et si il était moi, il ne pourrait pas passer.
    - Je ne sais pas.
    - Vous êtes impossible !!!
    - Et ???

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    1. Voici ton texte corrigé (en gras) et commenté. Les conditionnels sont justes, mais…

      - Excuse-moi, je voudrais entrer !
      - Désolée. Pas possible.
      - Mais mon amie est passée.
      - Oui !
      - Et je ne peux pas passer ?
      - Non !
      - Mais ça n'est pas juste.
      - Et ???
      - Si j'étais elle, je passerais.
      - Possible.
      - Et si elle était moi, elle ne pourrait pas passer.
      - Je ne sais pas.
      - Vous êtes impossible !!!
      - Et ???

      « mon amie est passée » : l’imparfait que tu emploies se focalise sur un moment du passé, alors que ce qui intéresse le personnage ce sont les implications présentes, donc il faut employer le passé composé !

      La réponse à une question négative est « non » quand on est d’accord ! « je ne peux pas passer ? => non » ou alors on peut dire « c’est exact » ou « c’est ça » pour monter que la personne a compris.

      Commentaires :
      Tout d’abord, ton texte comporte un problème de « genre ».
      Si tu écris « désolée » (2e ligne) ça veut dire que le videur (la gardienne) est une femme.
      Si tu écrit « mon amie est passée » c’est que l’amie est une femme.
      Du coup…
      On ne comprend pas quand tu dis « si j’étais lui » !

      Ensuite, (moins grave), tu tutoies la videuse (« excuse-moi ») puis à la fin tu la vouvoies (« vous êtes impossible »).

      Enfin, pour rester plus proche du thème de l’exercice, j’aurais rajouté deux conditionnels :
      Un 1er de politesse :
      « Excusez-moi, je voudrais entrer, rejoindre mon amie ».
      Un second de politesse aussi, en tous cas de distance :
      Au lieu de « vous êtes impossible » : « vous (ne) seriez pas un peu compliqué vous ? »

      A lundi, Philippe

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  4. Salut!

    M: Bonsoir monsieur.
    O: Arrêtez s-il vous plait!
    M: Excusez-moi?
    O: Vous ne pouvez pas entrer!
    M: Pourqui pas?
    O: C'est interdit pour moi de laisser rentrer les persons qui ne sont pas agréable.
    M: Si j'avais des une chaîne d'or autour de mon cou, est-ce que je serais agréable?
    O: Ne soyez pas ridicules. Cet établissement n'est pas comme ça.
    M: En juger par votre disposition se semble comment.
    O: Je dois vois demander de quitter!
    M: Je irais, si la situation était immuable.
    O: Je crois bien!

    Vilim

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