Scène tirée du film « Le goût des autres » (2000) d’Agnès
Jaoui : http://www.youtube.com/watch?v=vl_AsEob5_M
En deux temps :
-
une dispute au bureau entre
un « riche industriel mais d’origine sociale populaire » (Jean-Jacques
Castella) et son « collaborateur d’origine sociale distinguée »
(Weber).
-
un dénouement (du verbe « dénouer »=
to untie) autour d’une demande/refus de démission.
Nous allons nous intéresser aux nombreux temps et modes
verbaux employés et à leur fonction dans le dialogue.
TRANSCRIPTION :
Castella : [taciturne] ça va ?
Weber : [sec] ils sont partis ! Ils ont attendu
jusqu’à dix-sept heures trente puis ils sont partis !
Castella : qui ça ? Ah oui, les iraniens, merde…
Weber : ben oui, les iraniens ! J’ai pris
rendez-vous demain, à la même heure, mais là [il] faut y être hein ! Faut
pas traiter les gens de cette façon.
Castella : ouais, ouais, ça va…
Weber : Mais non ! Non ça va pas ! ça fait
plus d’un mois qu’on travaille sur ce contrat. Sans parler de ce contrat, de
manière générale, vous êtes absent… même quand vous êtes là. On [ne] peut pas
travailler dans ces conditions. On a l’impression que tout vous ennuie. Bon, à
part l’anglais [où] vous avez progressé, ça c’est un fait. Mais franchement
monsieur Castella, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Je ne peux
pas tout faire moi-même.
[Le collaborateur quitte la
pièce. Pour Castella, petite pause de réflexion, puis il le rejoint]
Castella : Je commence à en avoir plein le cul de
vos grands airs là. Faut arrêter de me parler comme ça hein ? C’est pas
parce que vous arrivez de Paris avec vos diplômes, qu’il faut vous croire le
roi du monde hein ? Ça va ! Je serai à l’heure demain, ça va !
[pause] Vous avez autre chose à me dire ?
Weber : [piteux] Non.
1’08-[Les deux hommes se
séparent. Ellipse : on les revoit sortir du bâtiment.]
Weber : [tendant la main courtoisement] A lundi.
Vous vous souvenez que c’est [à] dix heures précise ?
Castella : [dédaigneux] Vous inquiétez pas, je me
souviens oui.
Weber : [prenant une lettre dans son cartable] oui
voilà… je voulais vous donner ça, c’est ma lettre de démission.
Castella : [soudain inquiet] Ah bon ? Vous
voulez partir ?
Weber : [aimable] Oui. Je crois sincèrement que je
ne vous conviens pas. J’ai retourné le problème dans tous les sens et j’ai pas
trouvé de solution. Et je crois malheureusement que la situation ne changera
jamais, quels que soient les efforts que je pourrais faire.
Castella : [anxieux]
Weber : Vous m’avez jugé depuis le début parce que
je ne fais pas partie de votre monde. Vous dites que je parle comme un
ministre. C’est vrai, oui, « je parle comme un ministre ». C’est ma
formation. On m’a éduqué comme ça. J’ai essayé de faire autrement, j’ai fait de
mon mieux pour me faire accepter, pour vous plaire. Il faut bien se rendre à l’évidence,
j’ai échoué. Voilà, donc euh je pense qu’il vaut mieux que je m’en aille. Bon.
A lundi.
Castella : [le rappelant] Weber ! Weber !
[Sincère] Moi je veux pas que vous partiez. Vous voulez pas réfléchir un peu ?
Weber : J’ai réfléchi. C’est pour ça que je vous ai
parlé. Parce que j’ai réfléchi.
Castella : Et ouais, mais c’est dommage, parce que…
Enfin… je m’en rendais pas compte. Moi je croyais que c’était vous qui me
méprisiez. Excusez-moi si je vous ai fait du mal. Je m’en rendais pas compte. Vous
voulez pas y penser encore un petit peu, avant de prendre une décision ?
[échange de regards, Castella lui tend sa lettre, l’employé
l’accepte] – Fin, 3’09
Relevé des temps et modes verbaux :
INDICATIF
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Présent
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Ça va / qu’on travaille / vous êtes absent…
/ on ne peut pas travailler / c’est un fait / vous avez autre chose à me dire
/ je me souviens / vous voulez partir / je ne fais pas partie de / vous dites
que je parle /
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Imparfait
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je voulais vous donner ça (valeur de politesse, distance du passé) /
je m’en rendais pas compte / c’était
vous qui me méprisiez /
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Passé composé
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Ils sont partis / ils ont attendu / j’ai
pris rdv /
Vous avez progressé /
J’ai retourné le problème / j’ai pas
trouvé /
Vous m’avez jugé / on m’a éduqué comme
ça / j’ai essayé… j’ai fait…
J’ai réfléchi / je vous ai parlé /
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Futur
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Je serai à l’heure demain /
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Conditionnel présent
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Les efforts que je pourrais faire
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SUBJONCTIF
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Présent
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Il faut que chacun prenne ses
responsabilités / quels que soient les efforts / que je m’en aille / que vous
partiez /
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INFINITIF
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présent
|
Sans parler de ce contrat / je commence
à en avoir plein le cul / qu’il faut vous croire le roi / il faut y être / il
faut pas traiter les gens / il faut arrêter / vous avez autre chose à me dire
Compl. Circonstanciels :
pour me faire accepter / pour vous
plaire /
/ il faut se rendre à l’évidence /
réfléchir un peu / y penser encore /
avant de prendre une décision
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IMPERATIF
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présent
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Vous inquiétez pas (s’inquiéter) /
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On peut relever les constructions (nombreuses)
-
avec [semi-auxiliaire
(modal ou aspectuel)]+[relative] :
o modaux
On a l’impression que tout vous ennuie. (indicatif présent)
On ne peut pas travailler dans ces conditions.
Je ne peux pas tout faire moi-même.
Vous vous souvenez que c’est [à] dix heures précise ?
(indicatif présent)
Vous avez autre chose à me dire ? (= vous devez me dire autre chose ?)
Je crois sincèrement que je ne vous
conviens pas. (indicatif présent)
Je crois malheureusement que la situation
ne changera jamais (futur), quels que soient
les efforts que je pourrais faire. (semi-auxiliaire
au conditionnel et verbe à l’infinitif)
J’ai essayé de faire autrement
je [ne] veux pas que vous partiez. (subjonctif présent)
Vous voulez pas réfléchir un peu ? (infinitif présent)
Je croyais que c’était vous qui me méprisiez. (indicatif imparfait)
o aspectuels
Je commence à en avoir plein le cul de vos grands
airs là. (infinitif)
o Avec verbe impersonnel (« il » ne représente
personne) :
Il faut y être hein ?
Il faut pas traiter les gens de cette façon.
Il faut que chacun prenne ses responsabilités.
[Il] Faut
arrêter de me parler comme ça hein ?
C’est pas parce que vous arrivez de Paris avec vos
diplômes, qu’il faut vous croire le roi du monde hein ? (se croire qqn = se prendre pour qqn)
Il faut bien se rendre à l’évidence
o Ou encore avec les deux !
Je pense qu’il vaut mieux que je m’en aille.
Phrase difficile, à observer :
« Je crois malheureusement que la situation
ne changera jamais, quels que soient les efforts que je pourrais faire. »
On pourrait dire aussi « …que je pourrai faire »
(plus pessimiste) ; « …que je puisse faire » (plus incertain)…
et même « …les efforts possibles » (plus rationaliste, moins impliqué
personnellement, puisque le sujet disparait).
= Je pourrais faire des efforts. Mais quels que soient mes
efforts, la situation ne changera pas, je le crains.
Tout cela doit vous rappeler le partage indicatif /
subjonctif selon que l’on souhaite exprimer une certitude ou une virtualité :
+ indicatif
|
+ subjonctif
|
Je me doute que
Il me semble que
Je crois que
Je pense que
Il est certain que
Il est évident que
|
Je doute que
Il semble que
Je ne crois pas que
Je ne pense pas que
Il n’est pas certain que
Il n’est pas évident que
|
Je suis sûr que ; je sais que ; je crois
que ; j’imagine que ; il parait que ;
|
Il semble que ; il y a des chances pour que ;
il est possible que ; il se pourrait que
|
ACTIVITE :
« Un chirurgien aurait tenté (conditionnel passé) une greffe de jambes de kangourou sur un
coureur cycliste ». Vous êtes journaliste et vous devez relater (=raconter)
les réactions des personnes que vous avez interrogées.
Salut Philippe!
ReplyDeleteHier un chirurgien aurait tenté une greffe de jambes de kangourou sur un coureur cycliste. Aujourd'hui, certaines personnes s'émerveillent de les possibilités de la science moderne. Les autres pensent que cette opération n'était pas juste pour le kangourou. À la fin, l'histoire décidera qui avait raison ...
Bonsoir Bojan,
ReplyDeleteTa production est juste (à part une inattention sur "de les" au lieu de "des"), tu as compris l’emploi du conditionnel dans son aspect hypothétique et tu l'as bien articulé aux autres temps/modes. L’idée de l’exercice était cependant de « faire parler » des témoins ou des anonymes afin d’utiliser les introducteurs de modalisation : « je trouve ça honteux, il me semble que ça devrait être interdit ! » ou « je ne crois pas que le coureur fasse des miracles avec des jambes de kangourou ».
A jeudi ou lundi,
Philippe